Par Thierno Saidou DIAKITÉ 《Aujourd’hui 27 mars, il y a 12 ans jour pour jour nous quittait le doyen Pathé Diallo des suites de maladie. En séjour à Bissau, en 2008 avec les équipes nationales de basket cadet catégorie masculin et féminin dans le cadre d’un tournoi de la zone 2, c’est le 28 mars à mon retour à Conakry, que mon ami gérant d’un kiosque à journaux m’informe du décès du doyen. Triste nouvelle, qui me procure bien des regrets. Quelques mois auparavant, le doyen m’avait donné son accord pour que je puisse écritoire sur sa personne. J’avais en effet remarqué lors de nos différents entretiens sa phénoménales mémoire. Il avait l’art de restituer dans ses menus détails de nombreuses anecdotes des années cinquante et plus. Je devais donc enregistrer ses mémoires et les décrypter dans le cadre d’un livre à publier.
Malheureusement pour moi, quelque temps après notre entretien,il tomba malade et mon projet ne put se faire. Un grand regret pour moi, car je le révèle aujourd’hui, le doyen Pathé Diallo m’offrait souvent de l’ argent et m’obligeait à accepter ce qu’il me donnait. Un détail que j’avais signalé dans mon intervention, lors de ses obsèques au palais des sports de Conakry.
Au cours de ces obsèques nationales organisées au palais des sports du stade 28 septembre de Conakry, tout aura été dit sur le défunt. Des hommages à titre posthume lui ont été rendus. Et comme il est maintenant de coutume chez nous, on a attendu que le doyen Pathé tire sa révérence, pour que subitement, l’on se souvienne de ses mérites. Peine perdue, puisqu’il n’était plus de ce monde. Voici donc la trame de la tragédie nationale que nous vivons depuis des lustres. Le cas de feu Pathé Diallo n’est guère isolé. Combien de nos compatriotes qui rendent d’innombrables services à la nation sont laissés pour compte. Il faut qu’ils rendent l’âme, pour qu’ils soient magnifiés le temps de leurs funérailles. Après l’inhumation et les cérémonies de sacrifice, c’est le calme plat. On oublie le défunt et sa famille. Telle est la cruelle réalité du pays. Ce sont les opportunistes et les courtisans qui ont le plus souvent une place au soleil chez nous.
Si Pathé Diallo s’est mis en évidence en tant que journaliste sportif, bon nombre de Guinéens ignorent son véritable cursus. Né le 27 juin 1934 à Mamou Kimbéli, feu Pathé Diallo fit successivement ses études à Mamou, Dalaba, Dabola et Conakry.
En 1959- 1960, il est de la première promotion de l’école de police de Kankan. Il parachève sa formation à Prague. Rentré au bercail, dans les années soixante, il occupe diverses fonctions dans l’administration. Entre, autres, il sera directeur de la sécurité d’Etat par intérim, inspecteur général adjoint au crédit national, et commissaire principal à la police nationale.
Au plan sportif, il fut membre de la fédération guinéenne de football pendant des décennies, et membre fondateur de l’Union des Journalistes Sportifs Africains, dont il sera le président pendant 18 ans.
Amoureux du cuir rond, le doyen s’est entiché de ce sport dès son jeune âge. Virevoltant milieu de terrain à cause de ses jeux de jambes, Pathé Diallo fit les beaux jours du Racing Club de Conakry. C’est là qu’il prit le sobriquet de Raymond Kopa. Sportif dans l’âme, Pathé par un pur concours de circonstances devait troquer sa casquette de policier contre le micro de reporter sportif. A la faveur d’un certain match entre notre pays et le Sénégal au plus fort de la tension politique entre les deux pays en 1968. Déniché par feu Fodé Cissé, alors directeur de la Voix de la Révolution, Pathé Diallo fera ses débuts aux côtés de feu Boubacar Kanté. Les JO d’été de Mexico 68 lui permettront de vivre sa toute première expérience internationale. Et depuis, dans le sillage du Syli national et du Hafia Football Club, les auditeurs guinéens et africains vont se familiariser avec la voix cassée du doyen Pathé Diallo.
Il faut le souligner, Pathé Diallo et Boubacar Kanté sont les initiateurs du duo de reporters et commentateurs en Afrique, qui a fini par s’imposer dans toutes les radios. Aujourd’hui ces deux célèbres voix nous manquent terriblement. En plus du célèbre duo constitué de Pathé Diallo et Boubacar Kanté, Kabinet Kouyaté et Gassimou Sylla ne sont malheureusement plus de ce monde. Le destin aura été vraiment cruel.
En cette semaine anniversaire de la disparition du doyen Pathé Diallo, je revois encore les images des obsèques organisées le dimanche 30 mars 2008 au palais des sports du stade 28 septembre de Conakry. Ce jour-là, c’est Abdoulaye Bernard Keïta de l’administration de la RTG qui lut l’oraison funèbre. En voici quelques extraits ‘’…Petit Pathé, te souviens-tu de nos multiples rencontres pendant les jours fériés ou dimanches, où tu faisais amuser tout le monde par tes pas de danse dans ton morceau fétiche Toubaka de Salif Keïta, que tu n’écouteras plus, tes scènes d’humour, la fertilité de ton esprit à restituer les grands événements tels que : les discours des feux Présidents Sékou Touré et le Général De Gaulle sur le référendum de notre pays…
Doyen Pathé, ta voix suave et envoûtante que tu avais fait habituer aux téléspectateurs et auditeurs de la RKS et la radiodiffusion nationale ne sera plus écoutée, elle s’est éteinte pour toujours. Tu nous quittes à un moment où le savoir-faire que tu as légué à la nouvelle génération des journalistes sportifs : Gaoussou Diaby, Oumar Dieng, Amadou Diouldé commence à faire de la bonne moisson. Tu nous quittes à jamais ne commentant plus le championnat national de football et les leçons à tirer sur les ondes de la RKS. Pathé tu étais un homme extraordinaire, qui avait beaucoup d’humilité et une très forte humanité. Tu respirais une espèce de bonheur de vivre et de passion professionnelle…’’
Même si le doyen a été décoré à titre posthume en 2009 de la médaille du mérite sportif du cinquantenaire, il est décédé avec un profond regret. En dépit de tout ce qu’il aura fait de son vivant pour le pays, il n’a reçu aucune distinction. Ce sentiment, il l’a exprimé dans les colonnes du magazine Guinée Football du mois d’octobre 2007, en ces termes ‘’J’ai promené ma bosse aux quatre coins de la planète. J’ai serré la main aux ‘’Grands de ce monde’’, la Confédération africaine de football m’a distingué et honoré, mais mon pays ne m’a jamais reconnu un mérite. C’est bien dommage ! C’est mon plus grand regret !’’ Un regret que plus rien ne pourrait effacer, puisque le doyen est parti à jamais pour le royaume du silence. Ainsi va notre chère Guinée.
Douze ans après la disparition du doyen Pathé Diallo, pratiquement rien n’évoque le souvenir de ce monstre sacré du micro. Contrairement à l’Honorable Kabinet Kouyaté dont le stade communal de Matoto porte le nom. Heureusement que depuis 2010, l’Association de la presse sportive de Guinée porte le nom de l’illustre disparu.》