Il est très récurrent en Afrique notamment en Guinée que des clubs informels, amateurs ou professionnels prétendent être titulaires des droits sportifs et fédéraux de footballeurs notamment lors de transferts vers des clubs étrangers. Il s’en suit des échanges houleux par médias interposés entre les parties impliquées. Les litiges finissent par se régler à l’amiable dans certains cas, mais dans d’autres situations les positions irréconciliables des protagonistes conduisent à des blocages qui impactent négativement les carrières des footballeurs concernés.
Pour autant, les instances en charge de l’organisation et de la gestion des compétitions notamment la FIFA, les fédérations nationales et les ligues professionnelles ont adopté suffisamment de règles, rien n’étant laissé à l’interprétation fantaisiste, au bon vouloir des uns et des autres.
Des règlements ayant été édictés par les instances dirigeantes du football au niveau international et national, les interrogations en cas de transfert sont les suivantes : quel est le véritable statut du footballeur au centre du litige ? Quelles sont les conséquences juridiques qui s’y rattachent dans le cadre d’une opération de transfert ? La qualification juridique du statut du joueur permettra de déterminer le droit de chaque partie conformément au règlement du statut et du transfert des joueur de la FIFA (RSTJ), lequel règlement conformément à son article 1.1 établit « des règles universelles et contraignantes concernant le statut des joueurs et leur qualification pour participer au football organisé, ainsi que leur transfert entre des clubs appartenant à différentes associations ».
La qualification juridique du statut du joueur (I) permettra de dégager les conséquences juridiques en matière de transferts (transfert libre, mutation temporaire, transfert définitif), (II, parution à venir).
I- LE STATUT DU JOUEUR
Il existe au regard du règlement du statut et du transfert du joueur de la FIFA deux statuts de joueurs dans le football organisé, il s’agit du statut de joueur professionnel (A) et du joueur amateur (B)
A – Le statut du joueur professionnel
L’article 2.2 du RSTJ dispose « Est considéré comme joueur professionnel tout joueur ayant un contrat écrit avec un club percevant, pour son activité footballistique, une rétribution supérieure au montant des frais effectifs qu’il encourt. Tous les autres joueurs sont considérés comme amateurs. »
Au regard de cette définition du joueur professionnel, il ressort que le niveau de compétition des joueurs ne fait pas de lui un joueur professionnel. La qualification de joueur professionnel repose sur une analyse objective de la relation contractuelle entre le joueur et son club de football. C’est une des dispositions contraignantes au niveau national que les fédérations doivent transposer au niveau interne sans connaitre une modification.
La définition du joueur professionnel dans le règlement du championnat national de la ligue guinéenne de football professionnel 2021-2022 (le règlement 2021-2022) ne semble pas prendre en compte la dimension obligatoire de l’article 2.2 du RSTJ. L’article 25 du règlement de la ligue précise qu’« Est réputé Joueur professionnel, le joueur qui bénéficie d’un contrat écrit avec un club et qui perçoit une rémunération qu’il dépense pour l’exercice de cette activité dans le cadre de la pratique du football. »
La fédération sénégalaise de football a choisi de se conformer à l’exigence de l’article 1 alinéa 3 du RSTJ en transposant simplement l’article 2.2 du RSTJ dans ses règlements généraux à l’article 39 « Est réputé joueur professionnel, tout joueur bénéficiant d’un contrat écrit avec un club et qui perçoit une indemnité supérieure au montant des frais effectifs qu’il encourt dans l’exercice d’une activité footballistique. »
Il y a une réelle différence entre la définition du joueur professionnel dans le règlement du championnat guinéen 2021-2022 et celle de la FIFA à l’article 2.2 du RSTJ. Pour la FIFA pour avoir le statut de joueur professionnel la rémunération doit être supérieure aux frais effectifs. Si le joueur dépense l’intégralité de sa rémunération pour ses déplacements, l’assurance, les frais d’équipements, de soins, ces dépenses peuvent être considérées comme des frais effectifs qu’il engage en exerçant son activité footballistique. Dès lors le statut du joueur amateur ne peut pas être remis en question. En vertu de la hiérarchie des normes entre les règlements de la FIFA et les règlements nationaux, la FIFA n’est pas liée par une définition du joueur professionnel d’un texte interne qui est contraire à celle fixée par le RSTJ. Au titre du droit comparé, on peut citer les exemples du contrat de stagiaire ou aspirant en France, le statut de ‘’ scholar’’ en Angleterre qui ne sont pas considérés comme des contrats professionnels sur le plan interne mais au sens de l’article 2.2 du RSTJ, ils sont tous des contrats professionnels.
La chambre de résolution des litiges de la FIFA (CRL) a réitéré le caractère contraignant de l’article 2.2 du RSTJ dans une affaire concernant le statut d’une joueuse enregistrée dans un club italien. La CRL a confirmé que, lors de l’évaluation du statut d’un joueur, les critères de l’article 2, paragraphe 2, sont prioritaires. Dans ce cas spécifique, l’accord entre la joueuse et le club était rédigé comme un « Accord sur le remboursement des coûts pour une activité sportive amateur » et excluait explicitement l’établissement d’une relation de travail entre les parties. Elle a conclu que les circonstances dans lesquelles le joueur était engagé répondaient aux critères de l’article 2, paragraphe 2, et que le joueur devait donc être considéré comme un joueur professionnel.
Il n’est pas également exigé que le joueur vive de son activité footballistique, il peut être à temps partiel et exercé une autre activité en parallèle mais il est considéré comme un joueur professionnel des lors qu’il perçoit une rétribution qui dépasse les frais qu’il engage pour sa pratique du football.
Il est également obligatoire d’établir un contrat de travail écrit même si les accords verbaux entre un club et un joueur soient acceptables et conformes à certains droits nationaux où l’écrit n’est pas un élément essentiel pour la qualification d’un contrat de travail.
B- Le joueur amateur
Au regard de l’article 2.2 du RSTJ, le joueur amateur est celui qui ne remplit pas les conditions relatives au joueur professionnel. Celui-ci ne tire pas de gain matériel et ne perçoit une rémunération que pour couvrir les dépenses réelles engagés dans ce cadre.
S’agissant de la différence, la formule de BLONDIN est très explicite : « Le professionnel est un homme qui fait du sport pour gagner de l’argent ; l’amateur est un homme à qui l’on donne de l’argent pour qu’il fasse du sport ».
L’appellation qui est donné à un contrat de joueur est sans incidence sur la qualification réelle de celui-ci. S’il y a plusieurs appellations au niveau des contrats de joueurs au niveau national, ils seront tous regroupés dans les deux statuts fixés par l’article 2.2 du RSTJ à savoir des contrats professionnels ou des contrats amateurs. En fonction de la qualification retenue, on pourra être en mesure de déterminer quel type d’opération est envisageable au sens du RSTJ.
Le statut de chaque joueur détermine les droits qui sont rattachés au transfert de celui-ci (indemnité de formation, indemnité de transfert). Les passeports sportifs doivent donc être établis avec la plus grande responsabilité par les fédérations sportives et ce dans le strict respect de l’article 7 du règlement du statut et du transfert des joueurs de la FIFA.
Nous essayerons de démontrer dans un article à venir que le statut du joueur détermine l’opération dont un joueur peut faire l’objet en matière de transfert mais également les droits qui sont rattachés à l’opération.
PAR SOW Abdoulaye, juriste.